Legophile*, legomaniaque, fan de LEGO®, en bref un quotidien peu commun.

Reconnaissons-le, ma vie s’est retrouvée un peu chamboulée quand mon homme a redécouvert ses LEGO® d’enfants. Sur le coup, je n’ai pas pressenti le danger à la vue de ces petites briques tapies au fond d’une caisse somme toute très passe-partout, le danger qu’elles pouvaient représenter.
Je reconnais humblement qu’un indice aurait dû m’alerter. En effet, les yeux de mon homme ont tout à coup pétillé de mille feux, un sourire béat à la limite de l’extase s’est fiché sur son visage et si l’attraction terrestre n’avait pas été si importante (rappelez-vous Newton et sa pomme) je pense qu’il se serait mis à léviter, les mains religieusement jointes dans un signe de prière et de recueillement complet, une auréole immaculée au-dessus de la tête et deux belles ailes dans le dos : Saint LEGO® priez pour nous.
Et voilà, cet homme que je croyais si bien connaître me révélait sa véritable nature à quelques mois du mariage. Il n’est certes pas un tueur en série, ce qui je l’admets aurait eu des répercussions un peu importantes et difficiles à gérer dans la vie quotidienne de notre couple, mais croyez moi, mes habitudes de vie et mes repères s’en sont trouvés quelque peu modifiés.

Tout d’abord, la vie auprès d’un legophile est un perpétuel enrichissement. Tout d’un coup vous vous prenez à penser nuit et jour aux matières qui lors de vos pénibles années scolaires avaient le don de vous rendre malade. Ainsi, tel Einstein travaillant sur sa fameuse formule
E = MC² ou les chercheurs les plus pointus en science biomédicale, vous vous prenez à revisiter les principes de la physique quantique : Comment vais-je faire pour faire rentrer 2m3 de LEGO® dans un appartement de 37m² où vivent déjà 2 adultes et deux chats ??? A peine venez vous de résoudre ce dilemme (est-ce vraiment bien utile d’accéder aux WC, alors que l’on peut mettre devant la porte un meuble haute technologie renfermant les fameuses briques, triées, classées et numérotées… si si la perfection ne connaît pas de limite) que les données du problème ont changé puisque de nouveaux sets arrivent.

Mais il n’y a pas que les mathématiques que vous révisez en compagnie de votre legophile de génie. En effet, mieux que le Larousse et le petit Robert réunis, votre legophile tient à vous faire progresser au niveau vocabulaire et vous apprend sans cesse de nouveaux mots. Cela a pour don de vous ravir (le vieil adage de la connaissance et de la confiture que l’on étale plus ou moins vous hantant depuis votre prime jeunesse) mais vous restez cependant sceptique face aux possibilités de glisser dans la conversation le mot « burp » ou « lurp » sans déclencher l’hilarité ou la perplexité de votre auditoire.
De même, vous vous devez de réfléchir au fait que si désormais vous racontez vos soirées à vos collègues au moment de la pause de 10h « hier j’ai trié des macaronis noirs et bleus », vous risquez de passer irrémédiablement pour l’excentrique de service, ou à l’avenir de prendre votre café toute seule.
Ainsi, la compagne du legophile est vouée à devenir un puits de sciences (quoique fortement ciblée la science) non reconnue. Imaginez la frustration.

Il faut toutefois reconnaître que l’un des grands bouleversements qui s’est opéré dans votre quotidien, concerne ce que votre legophile s’ingéniait à appeler avant « les tâches bassement futiles et matérielles », c’est-à-dire ce que vous (et près de 99% de la population) appelez « le ménage et les courses ». Et c’est là que vous redécouvrez votre homme, avec tout ce que cela implique de côté positifs et négatifs.
Le côté avantageux du ménage, c’est que maintenant vous possédez une batterie de chiffons (plus ou moins doux, plus ou moins secs) et d’encaustiques en tout genre (pour toute surface et tout type de tâche). Bref, vous êtes devenue à vous seule un magasin où l’on trouve la pointe même du progrès pour tout ce qui se rapporte à « la chasse à la poussière ». Comme toute médaille a son revers, vous devez admettre que ce déferlement de produits ménagers, à l’initiative de votre homme rappelons-le, ne l’engage pas pour autant à mettre du cœur à l’ouvrage. Désormais, les tâches sont redéfinies : vous nettoyez les surfaces vitales, il nettoie SA surface vitale. A vous de comprendre où est le hic, à partir de quand la situation vous a échappé des mains. Remarquez, vous avez gagné un super plumeau hautement performant, qui décroche la poussière dans les coins les plus reculés de votre petit appartement, le jour où vous avez poussé un coup de gueule, parce-que le susmentionné legophile avait pris votre brosse à dent pour dégraisser ses briques. Disons le, le legophile est magnanime, et sait réparer ses erreurs.

Le deuxième aspect concerne le rituel des courses. Il faut admettre que ce n’est pas pour les courses de « base » que vos habitudes changent, mais plutôt lors de ces fameuses séances dites de « shopping ». Alors qu’avant sa « révélation », vous aviez plutôt l’impression de traîner un prisonnier à l’échafaud, voir de l’entendre agoniser à chaque fois qu’il condescendait à vous donner son avis sur tel ou tel vêtement que vous essayiez sous ses yeux endormis, maintenant il faut admettre que si vous faisiez vos courses avec une fashion victim, vous n’éprouveriez pas plus de plaisir.
Il veut que vous essayez tout ce qui peut vous plaire, du plus coquin au plus confortable, et vous propose de tout acheter. Vous êtes la plus belle à ses yeux, en maillot de bain, en survêtement et tongs ou en petite robe. Et c’est au moment où vous sortez épanouie, radieuse, embellie et harassée de ce moment de pur bonheur, qu’il vous assène le coup fatal de sa petite voix d’homme charmant, doux et tendre « Maintenant qu’on s’est occupé de toi, on peut me faire un tout petit peu** plaisir et aller voir ce qu’il y a comme nouveautés ? Mais on n’achète rien ».
Fatalité, fatalité, vous ne vous sentez pas le cœur de refuser ce petit bonheur à celui qui vous a fait sentir dans la peau de Miss France. Et c’est ainsi, qu’une heure plus tard, vous rentrez épuisée avec dans un main des sacs signés « Etam », « Zara » ou « Camaïeu » et dans l’autre la main de votre legophile qui peine à tenir sa dernière acquisition legolesque.

Le dernier point qui a modifié votre vie se retrouve à travers les crises existentielles qui vous frappent désormais. Comment avez-vous pu vivre auparavant sans avoir la moindre connaissance de ces débats qui agitent les hautes sphères de France et de Navarre : « Nouveaux sets et murs entièrement construits : quelle désillusion dans le monde contemporain ? », ou encore « Quand donc sortiront les derniers modèles de la collection Orient Expédition et Star Wars ? ».

Il faut conclure que depuis que votre legophile d’homme a fait son « coming out » il est nettement plus épanoui. Sa sphère d’amis s’est considérablement élargie (ses copains LEGO®) et ce n’est pas pour autant qu’il refuse de sortir se promener pour ne plus lâcher ses briques (maintenant vous arpentez les brocantes et vide-greniers à l’affût du meilleur rapport prix/kg de vrac de LEGO®). Il n’empêche que vous ne pouvez-vous empêchez de craquer pour cet homme qui a gardé son âme d’enfant et qui le soir avant de s’endormir ne cogite plus furieusement sur son travail, mais agréablement sur ses futures créations.

Et tant pis si parfois vous vous sentez envahie, ou si votre nouveau meilleur ami est le postier chez qui vous allez régulièrement chercher des colis legolistiques, vous fondez rien qu’à l’idée de votre homme assis par terre au milieu du salon, entourée de ses LEGO® et heureux comme un pape. Rien ne vaut le sourire de votre homme, et s’il tient à ces petites briques aux couleurs de l’arc-en-ciel, cela a aussi le don de vous rendre heureuse.

* - Je me dois de préciser que c’est après de maintes hésitations que j’ai retenu le terme « legophile » pour définir ce que spontanément on appelle « amateur de LEGO® ». Mais il faut savoir que les termes « legologue », « passionné de LEGO® » ou « maniacolegossif » auraient tout aussi bien convenu. Je me suis permise de rejeter le mot « legophage » qui fait plutôt référence à la pauvre petite bête (un chat de compagnie par exemple) qui a croqué dans une de ces petites briques (par mégarde) et alors qu’elle (la petite bête) tentait de survivre à l’étouffement et à la suffocation entraînées par l’absorption de la brique susmentionnée (petite est la brique, mais tout petit est le chat), elle n’a pu s’empêcher de s’interroger sur les cris et hurlement que son grignotage n’a pas manqué de déclencher : un cataclysme, un tremblement de terre, mais comment est-ce possible puisque nous ne sommes pas sur une faille sismique ???

** - Dans un souci d’exactitude, je me dois de préciser que cette phrase et accompagnée d’un regard de cocker à vous fendre le cœur.

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